Xavier Bertrand, Michel Barnier, Valérie Pécresse, Philippe Juvin et Éric Ciotti. Voilà les cinq candidats qui vont se disputer l’investiture LR pour la présidentielle de 2022. Leurs propositions sur l’immigration et la sécurité étant proches, différant plus sur l’intensité que sur le fond, nous allons nous concentrer sur l’économie, les dépenses publiques et la fiscalité, avec un rapide détour par l’agriculture et l’éducation. Le projet des LR pour 2022 était loin d’être convaincant ; les cinq programmes qui sont exposés aux adhérents ne sont pas non plus enthousiasmants. Comparaison.
Quelques propositions intéressantes mais aucune mesure structurelle globale
Tous les candidats sont pour une baisse des impôts, en particulier sur la production, ou une diminution des charges sociales. Même chose, peu ou prou, sur le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans, une certaine augmentation du temps de travail pour les fonctionnaires, ou le retour de l’universalité des allocations familiales.
L’allocation sociale unique, proposition des Républicains, à laquelle l’IREF adhère pleinement, est reprise par Michel Barnier, Valérie Pécresse et Eric Ciotti. Tous les candidats affirment, plus ou moins, que le travail doit être plus rémunérateur que l’assistance.
Aucun ne se prononce pour des privatisations d’entreprises publiques telle la SNCF par exemple. Valérie Pécresse préconise en revanche des mesures partielles comme l’instauration d’« un véritable service minimum dans les transports publics, se traduisant par un service normal aux heures de pointe. »
En ce qui concerne l’éducation, au-delà des positions habituelles de la droite, le programme de Valérie Pécresse semble être le plus intéressant. Elle propose la création d’écoles publiques sous contrat, inspirées des « Charter Schools » américaines, ces écoles autonomes. Un pas timide mais sérieux dans l’optique de la liberté scolaire.
Côté agriculture, c’est la foire aux idées vagues, comme souvent. Si Philippe Juvin avance quelques mesures concrètes comme la baisse du coût du travail agricole par la baisse des charges patronales et le lancement d’un « vaste chantier de révision et de simplification des normes », les autres discours se résument à « il faut aider nos agriculteurs », « l’agriculture doit être une priorité », etc. M. Juvin (ici moins inspiré) et Mme Pécresse méritent une mention spéciale : ils souhaitent encourager (encore plus) l’agriculture biologique, signifiant sans doute plus d’aides et de subventions pour ce que beaucoup de professionnels de terrain n’hésitent pas à qualifier de tromperie.
Dans un autre domaine, le cheval de bataille de Valérie Pécresse est la « débureaucratisation ». La présidente de la région Ile-de-France estime nécessaire de diviser par trois le volume de tous les codes juridiques, notamment celui du travail et de l’urbanisme, en supprimant de très nombreuses normes. Elle réduirait également d’un tiers les 1 500 structures para-étatiques.
Xavier Bertrand est le représentant du socialisme de droite avec une promesse digne de Jean-Luc Mélenchon ou d’Anne Hidalgo : la création d’une prime au travail pour les revenus de moins de 2 000 euros. En somme, il veut subventionner la moitié des salariés. Ubuesque ! Pour les entreprises, son programme est constitué de crédits d’impôts et d’obligations : il veut promouvoir la « participation » et forcer les grandes entreprises (plus de 250 salariés) à verser des primes à leurs employés quand elles font des bénéfices. Il serait donc logique d’évoquer aussi des retenues sur les salaires en cas de résultat négatif, afin de ne pas les pénaliser. Mais Xavier Bertrand est-il logique ?
Le président de la région des Hauts-de-France veut aussi désendetter la France, mais pas avant 2025. La situation n’est pas catastrophique semble-t-il. Rappelons que M. Bertrand avait déclaré en avril 2020 que le capitalisme était à bout de souffle et qu’en décembre 2020, il voulait mettre en place une taxe sur les transactions financières. Rien de bien libéral donc pour l’ancien ministre de la Santé qui avait enterré la possibilité d’une concurrence de l’assurance maladie en France.
Philippe Juvin ne se démarque pas avec son programme. Toutefois, deux propositions ont attiré notre attention. La première est la destination volontaire de l’impôt : chacun devrait pouvoir flécher une partie de ses impôts vers ce qu’il estime être une priorité pour l’Etat. C’est notamment la théorie de Peter Sloterdijk que le philosophe allemand décrit dans son ouvrage Repenser l’impôt. Pour une éthique du don démocratique. Cette proposition intéressante, mais peut-être dangereuse, redéfinit notre relation à l’Etat et aux impôts. Elle n’a d’intérêt que si les charges fiscales et sociales sont d’abord diminuées drastiquement. La deuxième concerne notre système de retraite, dans lequel seraient introduits 50 % de capitalisation par la création de fonds de pension garantis par l’Etat. Éric Ciotti, lui, supprimerait carrément les régimes spéciaux de retraite.
Quant à Michel Barnier, il résume son programme comme « une synthèse de toutes les bonnes idées » des candidats de droite. Bref, de l’eau tiède pour l’ancien bureaucrate européen.
Éric Ciotti, le filloniste
Le programme le plus ambitieux est celui de l’homme du sud, Éric Ciotti. Revendiquant un projet de rupture, il inscrit notamment à son programme la suppression des taxes sur les successions et donations en dessous de 5 millions d’euros. Il propose en outre une mesure libérale pour l’impôt sur le revenu, à savoir une flat tax de 15 % qui s’appliquerait au-delà d’un montant équivalent au SMIC. Il faut applaudir sa démarche, qui a le mérite de bousculer la progressivité de l’IR.
Éric Ciotti reprend une partie des projets Fillon et le revendique dans les débats, soulignant qu’il est le seul à ne pas renier son programme. Dans un mail adressé aux adhérents LR, il explique qu’il a « fait le choix d’assumer en toute transparence [sa] fidélité à François Fillon et Bruno Retailleau », appelle à poursuivre le combat de l’ex-candidat et promet de défendre les « libertés et la fin d’une économie quasi étatisée. » Il envisage de supprimer 250 000 postes de fonctionnaires et de faire ainsi baisser la dépense publique de 100 milliards d’euros.
Sur ce dernier point, son objectif ne semble pas réalisable. En effet, il faudrait supprimer au moins 450 000 postes de fonctionnaires pour faire 100 milliards d’euros d’économies. Même erreur de la part de Valérie Pécresse, pour laquelle 150 000 postes de fonctionnaires en moins équivaudrait à 75 milliards d’économies. Le calcul de Denis Payre (candidat exclu de la primaire fermée), semblait plus juste : suppression du statut de la fonction publique hors fonctions régaliennes, 620 000 postes de fonctionnaires en moins, 145 milliards d’économies au bout du compte.
Nous ne pouvons ici examiner à la loupe tous les aspects des cinq programmes, mais nous en avons tracé les lignes directrices. Et selon nous, aucun ne se hisse à la hauteur de l’enjeu. La France est dans une situation catastrophique et il lui faudrait des remèdes bien plus vigoureux ; l’IREF ne cesse de le proclamer : réduction drastique de la dépense publique, fin de l’Etat-providence, retour sur les fonctions régaliennes de l’Etat. Si l’on écarte la communication et les petites mesures pour essayer de dégager un noyau dur, on ne trouve rien de tout cela, à l’heure actuelle, dans les programmes des candidats.