Les aberrations du projet de loi de finances pour 2018

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Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 est actuellement discuté à l’Assemblée nationale ; et force est de constater que, comme les précédents PLF, ce dernier contient plusieurs mesures aberrantes. Petit florilège.

Pour les entrepreneurs

1. Relèvement du plafond de chiffre d’affaires ou de recettes de la micro-entreprise

Pour rappel, le bénéfice du régime de la micro-entreprise (nouvelle dénomination du régime des « auto-entrepreneurs ») est conditionné aujourd’hui au respect d’un double seuil de chiffre d’affaires ou de recettes : un seuil bas de 82 800 € pour les activités de ventes et de 33 200 € pour les activités de prestations de services (ce seuil est aligné sur la franchise en base de TVA) et un seuil haut de respectivement 91 000 € et 35 200 €. Le franchissement du seuil bas, sans toutefois dépasser le seuil haut l’année de référence, permet le maintien du régime micro ; le franchissement du seuil haut entraîne en revanche la déchéance du régime l’année suivant le dépassement.

L’article 10 du PLF pour 2018 propose d’augmenter le premier seuil et de ne retenir qu’un seul seuil pour chaque type d’activités : un seuil fixé à 170 000 € pour les activités de ventes et un seuil fixé à 70 000 € pour les activités de prestations de services.

Cependant, les limites prévues pour le régime de la franchise en base de TVA, lesquelles sont actuellement alignées sur le seuil bas du régime de la micro-entreprise qui devrait être supprimé (82 800 € pour les activités de ventes et 33 200 € pour les activités de prestations de services) resteront inchangées !

Contrairement à ce qu’affirme le projet de loi de finances pour 2018, cette mesure n’est pas susceptible de simplifier la vie des micro-entrepreneurs. Au vrai, elle est insensée puisqu’elle reviendrait pour ces derniers à facturer au cours d’une même année leurs clients HT (sans TVA) puis TTC (avec TVA). Or, si un micro-entrepreneur commence à facturer TTC, il devra aussi déduire de son résultat la TVA qu’il paie lors de ses achats ; ce qui le conduira à passer du régime simplifié au régime réel ; remettant ainsi en question l’intérêt de recourir au régime de la micro-entreprise.

2. Instauration du prélèvement forfaitaire unique de 30%

L’article 11 du PLF pour 2018, instaurant le prélèvement forfaitaire unique de 30%, modifie substantiellement la fiscalité du capital ; mais pas que dans le bon sens. S’agissant des dividendes, ce dernier devrait en effet aboutir à la non-application de l’abattement de 40% (comme pour l’ancien prélèvement forfaitaire libératoire), lequel permet pourtant de prendre en compte le fait que les dividendes ont déjà été imposés au niveau de l’entreprise. Il en résultera donc une double imposition des dividendes au niveau de l’entreprise et de l’actionnaire.

3. Instauration d’un taux réduit d’IS à 28%

L’article 41 du PLF pour 2018 prévoit que le taux normal de l’IS sera progressivement ramené à 25% en 2022 (soit dans 4 ans) pour l’ensemble des sociétés. En 2018, le taux normal de l’IS restera cependant inchangé à 33,33% ; seul un taux réduit de 28% sera introduit pour les bénéfices allant jusqu’à 500.000 euros.

Les entreprises pourront donc potentiellement se voir appliquer en 2018 trois taux distincts d’impôt sur les sociétés, à savoir celui de 15% (jusqu’à 32.120 euros de bénéfice), de 28% (jusqu’à 500.000 euros de bénéfice) et de 33,33% pour le surplus ; sans compter l’application éventuelle de la contribution sociale de 3,3%.

4. Absence de renforcement du dispositif IR-PME

Le gouvernement souhaite inciter les Français à investir dans l’économie productive. Autrement dit, il souhaite convertir les Français, aujourd’hui majoritairement propriétaires, en actionnaires. Mais s’en donne-t-il vraiment les moyens ? Force est de constater que la réponse à cette question est négative dès lors qu’il a été annoncé que le dispositif IR-PME, lequel permet actuellement de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu maximale de 18.000 euros par an, ne serait pas renforcé. Or, il s’agit d’un moyen éprouvé d’inciter à l’investissement dans les PME.

A la place, le gouvernement souhaite contraindre les banques à mettre en place un produit d’investissement sans risques et permettant aux futurs actionnaires d’obtenir un rendement allant jusqu’à 5%… voire 10% ; ce qui est bien entendu improbable.

Pour les propriétaires

On sait que le gouvernement adopte une vision binaire de l’économie, selon laquelle il y aurait d’une part, l’économie « productive » (la bonne économie) limitée aux investissements mobiliers, à savoir les actions et les obligations, et d’autre part, l’économie « improductive » (la mauvaise économie) qui correspondrait à l’ensemble des investissements immobiliers.

Il va sans dire que cette vision extrêmement réductrice de l’économie est, non seulement sidérante mais aussi lacunaire. Tout d’abord, elle oublie que certains investissements mobiliers, tels que les obligations d’Etat, constituent eux aussi des « rentes ». Ensuite, elle oublie que certains investissements immobiliers sont matérialisés par des valeurs mobilières (parts de SCPI, etc.), ce qui montre que la frontière est ténue entre l’investissement mobilier et immobilier.

Enfin, elle n’opère aucune distinction entre les différents investissements immobiliers. Or, il est invraisemblable de mettre sur le même plan économique l’immobilier résidentiel, l’immobilier locatif et l’immobilier d’affaires ; sachant que ces deux derniers contribuent fortement à la croissance de l’économie française. Les seuls investissements pour l’immobilier d’affaires ont ainsi atteint 29 milliards d’euros en 2015, ce qui place la France à la 3ème place européenne derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

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